Photographier m’entraine à vivre
le moment présent autrement.
David Niego
Des lignes des paysages à celles des corps, David Niego est animé par la volonté de montrer toute la singularité et le mystère de nos mondes. Il offre un espace que l’on peut choisir d’habiter en projetant dans et hors du cadre ses rêves, ses désirs et ses réalités. S’isoler du monde pour mieux s’en rapprocher et en capturer l’essence, c’est aussi avec ses propres contrastes que David Niego grave chaque moment écrit par les lumières et les ombres de la photographie.
Grand Angle - Entretien avec David Niego
Qui êtes-vous?
David Niego, je suis un être entier, sensible, épicurien, en quête d’apaisement et de bonheur, animé par les forces contradictoires de l’être humain.
Qu’est-ce que la photographie pour vous?
La photographie c’est la capture et l’impression d’un moment de vie choisi parmi tous ceux qui nous traversent. L’expression de ce que ce moment a suscité en moi.
Que ressentiriez-vous si vous ne pouviez plus prendre de photo?
Si la photographie m’était inaccessible, je vivrais le moment présent autrement. De manière purement physique. Je délaisserais l’expression, l’interrogation, l’esthétisme, les intentions. Cependant, je ressentirais un manque, surtout au niveau de la mémoire, en étant témoin de ces images qui se dérobent à moi.
Avec quels appareils travaillez-vous?
Je possède plusieurs appareils photo qui offrent des rendus différents, qui s’inscrivent dans la chronologie de cet art. Partir en quête d’un nouvel appareil c’est explorer un nouveau pays, ses reliefs, ses frontières, ses espaces. Chaque boitier est un voyage.
Que ressentez-vous quand vous prenez une photo?
Je sors l’appareil de mon étui avec la sensation d’extraire une épée de son fourreau. Quand je l’approche de mon oeil, je m’isole du monde. Je lui construis un nouveau cadre, de nouveaux contours peuplés d’un contenu choisi. Ce choix est central: ce que je désire voir en premier lieu, ce que j’ai envie de garder et de faire traverser la barrière du temps, ce que j’ai envie d’exprimer ensuite. Je cherche un trésor sans en connaître la nature exacte. Une réponse, sans pouvoir formuler la question. C’est en voyant à travers mon objectif que je me donne une chance de trouver. Mes ressentis varient avec mes photos. Ils ne les guident pas. Ils les accompagnent. Cela dépend de mon sujet - paysage, portrait - et des conditions - photo posée ou photo dérobée. Dans tous les cas, je vis ce moment comme un échange. Avec l’autre et avec moi-même.
Que souhaitez-vous que les gens comprennent à travers vos photos?
Je ne demande pas aux autres de comprendre. Comprendre ou être compris me semble presque impossible. Je vois la photographie comme l’art d’entendre et d’être entendu. Une voie pour exprimer cette cohabitation constante entre des sentiments contraires comme l’amour et la souffrance, la peur et l’espoir.
Quand un corps se présente devant votre objectif que souhaitez-vous révéler? Que voulez-vous transmettre?
Au premier plan le côté humain, unique et mystérieux de chacun. En ligne de fuite, les multiples facettes que chaque être possède. Il y a tant de choses qui nous composent, de manière consciente et inconsciente. Tant d’émotions qui nous façonnent. Tant de paroles qui attendent leur moment. Par exemple, j’aime montrer le corps à travers la chevelure. Elle permet à l’être de demeurer dans l’anonymat. A travers mes photographies, j’interroge en arrière-plan le spectateur: Avez- vous envie d’en découvrir plus? Le corps est beau par ses imperfections. C’est cette nature qui me séduit. Voir en laissant de côté ce qui veut être vu, aller au-delà pour capter ce qui est. Créer un lien. Tant avec les contours physiques qu’avec le caractère, l’histoire, la vulnérabilité, tout ce qui rend l’autre vivant et l’anime. Photographier quelqu’un, c’est aller vers cette personne.
Entretien réalisé par Camille Lucidi